L’entrée de Mikropolis
Depuis Reporterre le 15 décembre 2014
À Thessalonique, la deuxième ville de Grèce, des militants ont créé Mikropolis. Imaginé après les émeutes de 2008, cet espace social de liberté est un exemple d’autogestion collective et un relais des luttes sociales.
Dans le centre commerçant de Thessalonique, dans la rue pleine de vitrines, on pourrait presque rater l’enseigne, accrochée au dessus d’une porte étroite, qui marque l’entrée de Mikropolis.
Les petits balcons à colonnes, le marbre du couloir et les marches de parquet laissent deviner un ancien immeuble bourgeois. Mais les affiches ont recouvert les murs, et de la musique s’échappe du premier étage.
« Un espace social de liberté »
À l’heure du déjeuner, le café est plein : familles, jeunes, amis, s’y retrouvent pour discuter et se restaurer. L’assiette végétarienne est à 2 euros, le plat à 3 euros, les boissons chaudes comme fraîches à 1 euro… Même pour une Grèce en crise, ce n’est vraiment pas cher.
Les murs colorés, les chaises de bois et les tables en fer forgé donnent une ambiance à la fois chaleureuse et décontractée… On se croirait presque dans un salon de thé alternatif à Paris.
Mais non, explique Nicky, bénévole en charge de la cuisine pour ce service, « Mikropolis, c’est un espace social de liberté », défend-elle.
Elle sert les clients, qui font la queue au comptoir. Ici, il n’y a pas de service à table, chacun vient chercher son plat, sa nappe, ses couverts, son pain et débarrasse lui-même à la fin.
Une façon de promouvoir l’autogestion, même auprès des badauds de passage et des nombreux étudiants. Thessalonique est la deuxième ville de Grèce mais accueille la plus grosse université du pays.
Jardin d’enfants et clinique pour animaux sauvages
Le lieu existe depuis 2009, après les émeutes de 2008 en Grèce. La mort d’un adolescent de quinze ans tué par la police dans le quartier d’Exarchia, fief anarchiste d’Athènes, avait déclenché une protestation populaire, mêlant émeutes, grèves et manifestations pacifiques, dans le contexte du début de la crise.
Un mouvement qui a permis de rassembler quelques militants, « qui ont eu l’idée de créer cet endroit », raconte Nicky.
L’immeuble n’est pas un squat, il est loué. « Le bar sert à payer le loyer », explique la jeune fille. De nombreux concerts, projections, débats y ont lieu chaque mois.
Autour de ce foyer central, une multiplicité d’activités de déploie.
Juste à côté, une salle pleine de jeux et de coussins sert de jardin d’enfants. Ce premier étage accueille également une épicerie autogérée.
Au-dessus, se sont installés une librairie-bibliothèque, un magasin de photocopies et une série de salles d’activités, qui servent aux cours gratuits en tous genres (du kick boxing au ping pong en passant par la fabrication de savons).
Il y a même eu un projet de radio.
Enfin, initiative peut-être la plus originale, une clinique pour animaux sauvages officie également. Un groupe de « docteurs » les récupère dans des boîtes en carton, puis les soigne avant de les relâcher.
Chaque mardi, tout le monde peut assister à l’assemblée de Mikropolis, qui fonctionne selon le principe de la démocratie directe. « C’est là que sont prises les décisions. On y trouve une pluralité de personnes, témoigne Nicky. Des anti-sexistes, anti-autoritarisme, anti-racisme... »
En général, entre 30 et 40 personnes viennent chaque semaine.
Ensuite, une quinzaine de sous-assemblées gèrent chaque activité. Mais pas question d’envoyer des représentants, chaque personne participe à titre individuel aux assemblées qui l’intéresse.
Nicky, elle, fait partie de deux assemblées : celle de la cuisine et celle d’Alpha Kapa, mouvement anti-autoritariste et unique organisation politique autorisée à Mikropolis.
Chaque groupe a obligation de participer aux tâches collectives de l’immeuble : bar, ménage, achat de fournitures, etc.
Au début, l’activité était bénévole. Mais avec la crise, l’idée est venue d’essayer de créer des emplois. « On est nombreux ici au chômage. Alors il y a trois ans, on a décidé que cinq groupes pourraient payer leurs membres : le jardin d’enfants, la cuisine, l’épicerie, la bibliothèque et le magasin de photocopies », se rappelle Panos.
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Et aussi... Athènes, dans le café anarchiste qui construit une société nouvelle
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