Le 12 octobre 2016
Magyd Cherfi, Français d’origine algérienne, membre du groupe toulousain Zebda, a marqué la rentrée littéraire avec « Ma part de gaulois », paru chez Actes Sud.
De façon rafraichissante et sans démagogie, ce récit autobiographique nous parle des exclus du roman national.
Nous retrouvons le chanteur dans un café parisien en train de lire « Théorie d’Alger », de Sébastien Lapaque.
Le décor est planté. Rencontre.
The Dissident : En lisant « Ma part de gaulois », on ne peut pas s’empêcher de faire le lien avec les récents propos de Nicolas Sarkozy. Qu’en pensez-vous ?
Magyd Cherfi : J’ai fait une première mouture il y a cinq ans. Puis Zebda a repris ses activités : deux albums, deux tournées. J’ai terminé il y a quelques mois. Quelle que soit la production, ça a toujours été d’actualité.
Quand je parle d’Algériens, de migration, de discrimination, ça ressemble à ce qu’on lit tous les jours à la première ou deuxième page d’un journal. Là-dessus Sarkozy prend la parole pour dire qu’on doit se revendiquer de « nos ancêtres les gaulois ». C’est un énième calcul électoral de premier tour pour grappiller les voix d’extrême-droite. Cela ne mérite aucun commentaire.
L’aspect plus intéressant par rapport à ça, c’est qu’aujourd’hui on est dans une société qui tremble. Il y a un socle qui est secoué par l’idée de l’identité.
Des Français dit « gaulois » ou de souche sont terrorisés. Ils se disent : « Qu’est-ce qu’on devient ? » Parce qu’il y a une parole de fils de l’immigration qui se fait de plus entendre.
Qu’elle soit contestataire ou non, violente ou non. Il y a un choc entre un peuple français d’origine nord-africaine et un peuple français blanc. On n’a pas préparé leur rencontre. Ça ne se fait pas en douceur. On est contraints de vivre côte à côte.
L’idée cosmopolite entre de plain pied dans le débat, entre ceux pour qui c’est un plus, et ceux pour qui c’est une crainte.
N’y a-t-il pas une schizophrénie de la part de certains élus d’origine hongroise ou espagnole (Nicolas Sarkozy et Manuel Valls, ndlr) dont on a l’impression qu’ils se veulent plus gaulois que les gaulois ?
La schizophrénie, c’est de ne pas adhérer à l’idée cosmopolite parce que c’est une évidence ! C’est du bon sens. C’est même salvateur.
Il y a une population paumée, désœuvrée à qui on fait croire qu’il y a une souche blanche éternelle. Il y a cette schizophrénie d’élus – dont beaucoup de droite et certains de gauche – de dire: « Je suis fils d’immigrés » mais de ramener quand même la synthèse gauloise.
Les schizophrénies se promènent dans tous les camps. La nôtre, c’est : « Est-ce qu’on peut être républicain quand la République ne vous parle pas ? ». « Est-ce qu’être musulman est le meilleur moyen de contester face aux discriminations ? » Les discriminations sont tous azimuts.
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