Le 22 février 2017
Dans son livre "No Vote" (Editions Autrement), l’écrivain Antoine Buéno, ancienne plume de François Bayrou lors de la présidentielle de 2007, signe un plaidoyer pour l’abstention, qui est selon lui le geste électoral le plus à même de faire changer les choses.
Antoine Buéno, auteur de "No Vote! Manifeste pour l’abstention" (Editions Autrement).
"On va être appelé aux urnes dans pas très longtemps, et quand vous voulez pousser un coup de gueule, la plupart des Français ont deux choix: soit - hélas à mon sens - ils votent pour le Front national, soit ils s’abstiennent. Dans l’imaginaire collectif, il est de plus en plus décomplexé de voter FN, mais en revanche, l’abstention demeure honteuse.
Si vous dites que vous êtes abstentionniste, il y a un mauvais climat qui s’instaure, et vous êtes obligé de vous justifier. On n’est pas à l’aise. C’est le monde à l’envers: voter FN ça devrait être super-honteux, comme c’était encore le cas il y a quelques années. J’aimerais inverser les choses, créer une fierté abstentionniste. Et si possible convaincre un certain nombre d’électeurs du Front national que s’ils veulent pousser un coup de gueule, la meilleure chose c’est l’abstention.
"L’abstention n’est pas seulement un coup de gueule"
On peut me rétorquer qu’il y a des décisions à prendre, des politiques qui doivent être menées. Mais je me suis aperçu que l’abstention n’est pas seulement un coup de gueule, ça peut aussi être constructif. Toutes les réformes dites de modernisation de la vie publique qui sont intervenues depuis 20 ans, sur quel fondement sont-elles intervenues? Sur la montée du FN, et surtout sur le taux d’abstention. L’objet était de dire ‘vous avez raison, le système n’est pas très démocratique, on va essayer de l’améliorer et vous allez peut-être revenir voter’.
L’abstention produit des effets.
Non seulement l’abstention a été réformatrice, mais à l’avenir elle pourrait prendre une autre forme. On peut imaginer une abstention interactive. Les abstentionnistes se déclareraient abstentionnistes. Ils expliqueraient pourquoi ils ne votent pas et ce qui les feraient revenir aux urnes. On peut conduire le citoyen à négocier sa voix. Mais aujourd’hui il ne peut rien imposer au système politique.
"Le vote blanc, c’est se faire avoir deux fois"
Le vote blanc est une très bonne idée, mais aussi une très mauvaise réalisation. Sur le papier, c’est mieux que l’abstention. Quand on vote blanc, on dit qu’on s’intéresse à la politique, mais qu’on trouve l’offre merdique. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, faire ça c’est se faire avoir deux fois. D’abord parce que le vote blanc est séparé des nuls, mais il n’est pas côté comme suffrage exprimé, donc n’existe pas. Ensuite parce que le vote blanc augmente la participation. Et la participation, c’est ce qui donne la légitimité.
Je m’adresse aussi à ceux qui ne vont pas voter et qui ne savent pas pourquoi. Avec humour, je dis que je suis un fournisseur d’alibi. Le mec qui s’abstient parce que ça ne l’intéresse pas, avec mon livre il a toutes les raisons construites de pouvoir étayer ce qu’il faisait de manière instinctive. Je fais passer les gens qui vont à la pêche aux moules parce qu’il fait beau à des gens qui peuvent avoir une réflexion sur leur vote.
Mais ceux qui décident de s’abstenir parce que ça procède d’une réflexion, je pense qu’ils sont de plus en plus nombreux. J’ai été contacté par un collectif qui a crée des bureaux d’abstention. Ils sont déjà 30 000. Les gens viennent symboliquement mettre dans une urne un bulletin d’abstention pour contourner le vote blanc. Mon livre est un coup de gueule réfléchit. Je ne dis pas qu’il faut s’abstenir tout le temps. Si vous considérez que la société va bien, continuez à voter. Mais si vous considérez qu’il faut fondamentalement changer la société, je dis qu’il faut arrêter de voter".