Message d'Alain, le 22 avril 2017
Bonjour,
Comme le disait le baron Pierre de Coubertin, il n'est pas nécessaire de réussir pour persévérer. C'est pourquoi je persévère. Voici une nouvelle réflexion sur le suffrage qui complète ce que j'ai écrit : s'abstenir, c'est empêcher les autres de décider à notre place.
Cordialement.
Alain Habib
****
Épuisement du droit
Les hommes politiques qui nous incitent à voter nous expliquent que voter, c’est exercer un droit. Ce qu’ils nous disent moins, c’est que l’exercice du droit de citoyen implique l’épuisement de ce droit.
Il y a épuisement du droit lorsqu’un individu qui a exercé un droit a épuisé tous ses droits. Son droit exercé, il n’a plus droit à rien. Son droit est épuisé.
En participant aux élections électorales, l’électeur exprime une préférence pour l’un des candidats dont il souhaite qu’il soit élu. Toutefois, ce geste accompli, l’électeur n’a plus aucun droit : il a épuisé son droit de citoyen parce que, désormais, c’est aux élus et aux élus seuls qu’il appartiendra de décider.
Cela, les ministres qui veulent faire passer une loi impopulaire, par exemple la loi travail, savent s’en souvenir. Ils nous disent que les députés qui ont voté la loi (ou à qui la loi a été imposée, peu importe) ont été, selon la formule consacrée, « démocratiquement élus ».
Dès lors, c’est à eux seuls que revient le droit de décider (ou de se coucher, le cas échéant).
Par conséquent, le gouvernement « ne cèdera pas à la pression de la rue ».
Bien entendu, la théorie de l’épuisement du droit ne conduit pas à l’interdiction des manifestations contre une loi votée par le parlement. Si une loi est impopulaire nous avons encore le droit de manifester contre elle.
Mais l’idée qu’en votant nous avons épuisé notre droit de nous exprimer ou de décider conduit le gouvernement à refuser de tenir compte de la volonté populaire exprimée par les manifestants.
Qu’ils manifestent autant qu’ils veulent, ce n’est pas interdit, mais nous n’avons pas à tenir compte de ces manifestations parce que ceux qui manifestent aujourd’hui ont épuisé leur droit en participants aux élections.
Nous pouvons même aller jusqu’à dire que si les conséquences ultimes de la théorie de l’épuisement du droit étaient tirées, elles pourraient conduire à l’interdiction de toute protestation contre une loi, quelle qu’elle soit, puisqu’en votant, les électeurs se sont dessaisis de leur droit de vouloir au profit du parlement seul habilité à exprimer la volonté populaire. Ils n’ont donc plus aucune volonté à exprimer.
Les raisons pour lesquelles les hommes politiques incitent les gens à voter sont assez nombreuses, mais je pense que l’une d’elles, dont on ne nous parle pas beaucoup, c’est qu’en votant, nous épuisons théoriquement notre droit d’expression.
Les hommes politiques nous incitent entre autres à exercer notre droit parce qu’en l’exerçant, nous sommes censés l’avoir épuisé.
Alain